Tout le monde devrait y gagner. D’une gestation de sept ans, l’association la Sauvegarde du Nord a accouché d’un projet unique en France de crèche de détection précoce. Cette structure, installée à Lille, doit permettre d’éviter les conséquences catastrophiques du déficit d’attachement chez les nouveau-nés. Une prise en charge qui doit d’abord bénéficier aux enfants et à leurs parents, mais qui pourrait aussi faire économiser beaucoup d’argent à la société.
La crèche de détection précoce de Rigolo comme la vie est implantée boulevard de Strasbourg, dans les quartiers sud de Lille. Elle comporte dix berceaux « ville de Lille », pour les enfants sans problème, et 10 autres réservés aux bambins « à risque ». Cette structure est le fruit d’un constat terrible de la pédopsychiatre de la Sauvegarde, Rosa Mascaro, désormais aussi reconnu par les instances politiques : les premières années de la vie d’un enfant sont déterminantes pour son développement.
Ce que l’on appelle le « manque d’attachement », ce sont des négligences, des carences intra-familiales, un manque d’interactions voire un délaissement du bébé. S’il n’est pas pris en charge et résolu rapidement, cela peut aboutir à des troubles du développement : « Les conséquences sont assez connues, si cela dure quatre à cinq ans, cela peut générer une atrophie cérébrale irréversible de l’ordre de 30 %. Vers 8 ou 9 ans, on retire ensuite généralement les enfants à la famille », assure Jérôme Obry, directeur général (DG) de Rigolo comme la vie.
D’où l’intérêt de la prise en charge précoce. Les enfants peuvent être orientés dès la sortie de la maternité vers cette crèche si le constat d’un risque a été fait. « Souvent, les familles sont issues d’un milieu défavorisé et sont déjà suivies par des travailleurs sociaux. Les mamans sont très vite en conscience qu’elles n’ont pas les moyens de combler tous les besoins fondamentaux de leurs enfants et acceptent bien la prise en charge », poursuit Jérôme Obry.
A cette crèche, qui a tout d’une crèche traditionnelle, est adossée une unité de soins qui facilite le suivi quotidien des bébés. Mais pour régler le problème, ou l’éviter avant qu’il ne survienne, les parents aussi sont aidés, notamment lors d’ateliers. La durée de trois ans de l’expérimentation correspond à cette fameuse période des « 1.000 premiers jours » de l’enfant, cruciale pour son développement. « Une évaluation sera menée à la fin, mais nous n’avons aucun doute que ce dispositif sera bénéfique pour tout le monde », insiste le directeur de Rigolo comme la vie. L’implication de financeurs comme l’Agence régionale de santé (ARS), le département et la Caisse d’allocations familiales n’est pas forcément désintéressée : « Le premier objectif est de permettre à l’enfant de bien grandir et à sa famille de s’épanouir. L’objectif économique est de minorer les coûts. Une enfant de 9 ans pris en charge par la communauté, c’est 100.000 euros par an », insiste le DG. Gagnant gagnant. »