« Combien de tout-petits privés de rentrée en crèche ? Malgré les bénéfices de ces structures dites « inclusives », l’offre peine à décoller… A Roubaix, le projet Rigolo comme la vie a pourtant fait ses preuves auprès d’enfants polyhandicapés.
Le 27 août 2022, Anchara reçoit un coup de fil de la crèche dans laquelle son fils autiste devait faire sa rentrée trois jours plus tard. La directrice, nommée durant les vacances scolaires, lui annonce son refus d’admettre son enfant « du fait de son TSA », rapporte la mère de famille révoltée dans une vidéo publiée sur son compte Tiktok. Si la situation rentre finalement dans l’ordre après négociations avec l’établissement public, nombreuses sont les familles qui se heurtent aux portes closes des modes de garde de la petite enfance. « On a eu un refus catégorique de notre municipalité pour ‘des raisons de sécurité’. Naïvement, je pensais que les tracas commençaient à l’entrée à l’école », écrit de son côté Cécilia sur un forum dédié à la maternité. Alors que de nombreux enfants en situation de handicap ont été privés de rentrée scolaire cette année (article en lien ci-dessous), les difficultés semblent commencer dès le berceau. En témoignent ces chiffres : 54 % des enfants en situation de handicap de moins de trois ans sont gardés exclusivement par leurs parents, contre 32 % pour les autres enfants, selon une étude du HCEFA*.
Il est vrai que la loi du 11 février 2005 est loin d’être formelle : « Les établissements et les services d’accueil non permanent d’enfants (…) ‘concourent’ à l’intégration des enfants présentant un handicap ou atteints d’une maladie chronique ». Autrement dit, même si cet accueil est vivement encouragé, et constitue un droit fondamental, aucun texte de loi ne le rend obligatoire. Cette absence de caractère contraignant vient du fait que la mise en place de ces services est facultative pour les collectivités locales (contrairement à l’obligation scolaire). A la tête du groupe Rigolo comme la vie et de sa crèche inclusive « Noémi » implantée à Roubaix (Nord) depuis 2010, Jérôme Obry déplore qu’il y ait encore un « plafond de verre » autour du sujet. Depuis douze ans, l’antenne Noémi a fait ses preuves, recevant la médaille de la famille en 2013 des mains de l’ex-chef de l’Etat, François Hollande. Toutefois, le groupe a encore « toutes les peines du monde » à exporter son concept. « Les projets qui sortent de la norme nécessitent beaucoup d’investissement et d’énergie », tente d’expliquer Jérôme Obry.
Avec huit places sur 25 réservées à des profils d’enfants polyhandicapés, la crèche Noémi ne chôme pas puisqu’elle doit couvrir Roubaix et son agglomération. Pourtant, la directrice de l’établissement, Marie Guyot, l’assure : « Il n’y a pas de liste d’attente car il y a un ‘roulement’ assez régulier, les enfants étant souvent absents pour assurer leurs rendez-vous médicaux… Notre bonus, c’est la flexibilité de nos horaires. ». Hormis quelques ajustements au niveau de l’équipe, avec la présence permanente d’une infirmière et des actes médicaux pratiqués quotidiennement, cette crèche revendique sa « normalité ». « Nos tout-petits polyhandicapés sont comme les autres, avec les mêmes activités », même s’ils bénéficient, en plus, d’un plan d’accueil individualisé (PAI), sorte de cahier des charges rédigé avec le médecin traitant et la famille. « Le tout, c’est de s’adapter », préconise Marie Guyot. Quant aux professionnels qui les accompagnent, ils peuvent bénéficier du dispositif mobile « Eveil pluriel ». Déployé en 2021, ce service permet de former les pros du réseau Rigolo comme la vie à « l’observation fine » et aux besoins particuliers des enfants en situation de handicap.
En douze ans d’expérience, Marie Guyot et ses collègues ne comptent plus les bénéfices de leur méthode. « Elle développe énormément la collaboration entre les enfants », précise-t-elle. C’est par exemple cet enfant qui se précipite pour porter une prothèse à son camarade, un autre qui trépigne pour aider l’infirmière à pousser la seringue lorsque la nourriture est donnée par sonde ou encore ce petit garçon qui roule sur lui-même pour imiter son copain qui ne sait pas marcher. « Les enfants n’ont pas d’a priori sur le handicap, ils posent des questions naturelles, et c’est à nous, les adultes, d’être à l’aise avec ça », poursuit la directrice. Du côté des familles, la formule semble également faire l’unanimité. « Certains parents d’enfants ‘valides’ ont d’ailleurs choisi notre crèche pour cet aspect inclusif et ne le regrettent pas. D’autres l’ont découvert et en sont ravis », ajoute Marie Guyot.
Si l’offre reste globalement insuffisante pour absorber les demandes à l’échelle nationale, de plus en plus d’alternatives voient le jour un peu partout en France, encouragées par le coup de pouce financier du « bonus inclusion handicap », soit 1 300 euros par an et par enfant, accordé depuis janvier 2019 par l’État (article en lien ci-dessous). Par exemple, à Paris, deux établissements en ont fait leur spécialité : la crèche multi-accueil Ernest située dans le 17ème arrondissement et Terre d’Eveil dans le 13e. Toutes deux appartiennent au réseau Crescendo, spécialiste de l’accompagnement « petite enfance et handicap », lancé en 2017 (article en lien ci-dessous). Pour trouver d’autres adresses spécialisées, rendez-vous sur le site « Les pros de la petite enfance », rubrique handicap, qui les recense (lien ci-dessous).
* « Chiffres clés enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans », publiés en 2018 par le Haut conseil de l’enfance, de la famille et de l’âge (HCEFA) » »
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